La fabrique du pétrin digital
L’Assemblée nationale vient d’adopter une loi visant à mieux informer les professionnel·les de la petite enfance et les parents des effets délétères de l’exposition excessive des enfants aux écrans. Cette première prise de position de l’État sur le sujet risque fort de raviver une controverse vieille de plusieurs années.
Jamais deux sans trois. Début mars, après la majorité numérique à 15 ans et la protection du droit à l’image des enfants sur Internet, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, en première lecture, une proposition de loi relative à l’exposition excessive des enfants aux écrans. Elle prévoit la mise en œuvre d’une politique de prévention des risques liés à l’exposition aux écrans numériques pour les enfants de moins de 6 ans. « Trois heures et onze minutes, voilà le temps passé en moyenne (chaque jour) par les enfants de moins de 2 ans devant les écrans en 2022 », a rappelé Caroline Janvier, députée Renaissance et rapporteure du texte. « Nous parlons d’une moyenne, qui ne fait que s’accroître avec l’âge. » Cette loi doit notamment permettre de mieux former les professionnel·les de la petite enfance et de réduire les inégalités entre les parents dans l’accès à l’information sur les risques sanitaires d’une « surexposition » – une expression revendiquée par Caroline Janvier lors de la défense de son texte – aux écrans. « C’est un enjeu de santé publique », a-t-elle clamé depuis la tribune de l’hémicycle.
Quatre risques en particulier ont été mentionnés lors des débats : la sédentarité, la dégradation du sommeil, de la vue et les troubles de l’apprentissage et du langage. Quatre ans après qu’une proposition de loi similaire a reçu un avis défavorable du gouvernement au Sénat, que ce dernier justifiait par le « manque de données scientifiques » la nocivité des écrans sur les enfants, un consensus politique semble désormais être établi.
Devant les député·es, Charlotte Caubel, la secrétaire d’État chargée de l’Enfance, s’est ainsi référée plusieurs fois à un avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) recommandant de proscrire l’usage des écrans avant trois ans si les conditions d’une interaction parentale ne sont pas réunies. Et la secrétaire d’État de conclure : « Seuls des esprits mal informés ou de mauvaise foi prétendent que nous ne savons rien des risques pour les enfants. »
Cette algarade laisse entrevoir les braises encore chaudes d’une controverse agitant depuis cinq ans un petit monde de scientifiques, médecins et associations. En insistant sur la « dimension quantitative » de la consommation d’écrans, et non sur la question des bons et mauvais usages numériques, la politique nationale de prévention adoptée en première lecture par les législateur·rices ne risque pas d’éteindre la flamme de cette polémique.
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