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A vous Mesdames, qui en avez assez que votre santé passe toujours au second plan, cette chronique est pour vous.

Je m’explique. En plus du Covid, d’autres enjeux de santé devraient aussi être au cœur de nos préoccupations, et notamment la santé des femmes. C’est une question que la journaliste Sylvie Fagnart s’est posée pour Chut! Magazine dans notre numéro 5 intitulé Liberté.Egalité. Santé. Sylvie s’est demandée pourquoi et comment le Big data pouvait être mis au service de la recherche et de la santé des femmes, et pas seulement des GAFA. Pour cela, elle a commencé par interroger Delphine Bauer et Ariane Puccini autrices de « Mauvais traitements – Pourquoi les femmes sont mal soignées », parue aux éditions du Seuil en 2020. Au point de départ de leur enquête, la litanie de scandales médicamenteux de ces dernières décennies : Dépakine, Mediator, Distilbène, Levothyrox… Ces traitements aux conséquences mortelles étaient prescrits à une immense majorité de femmes.

Biais de genre dans le traitement des patientes

Alors, pourquoi ces écarts dans le traitement entre patient et patiente ? Les biais de genre sont encore ici à pointer du doigt. En gros, quand une femme dit à son médecin qu’elle a mal, ces dernie·è·r·e·s ont tendance à sous-estimer les symptômes ou à les transformer en réaction psychologique. Cela a été le grand classique par exemple avec l’endométriose. Vous avez mal au ventre ? Et oui, c’est normal. Et 20 ans après, oups, vous souffrez d’une endométriose sévère, que personne n’avait vue… Vous voyez le genre. Pour le scandale Mediator, ce sont notamment les injonctions stéréotypées qui sont à pointer du doigt. Cet antidiabétique a en effet été administré en tant que coupe-faim à des femmes auxquelles la minceur est vendue comme la norme.

Autre souci de taille dans la machine sanitaire, l’absence « relative » des femmes dans les essais cliniques. Les femmes sont ainsi majoritaires dans les essais sur les maladies qui les concernent le plus : cancers du sein, troubles hormonaux, papillomavirus… Elles ont été, en revanche, exclues de la recherche sur le VIH et sous-représentées du côté des maladies cardio-vasculaires, qui touchent pourtant plus de femmes que d’hommes. Parmi les raisons de cette éviction, la crainte des conséquences sur les foetus si les femmes testées étaient enceintes.

Croiser les données pour mieux soigner les femmes

Alors en quoi l’utilisation des données en masse, le Big Data pour les intimes, peut aider à mieux soigner les femmes ? Prenons par exemple les pilules de 3e et 4e générations qui ne sont plus remboursées depuis 2013 par la sécurité sociale. En cause : un risque plus élevé d’embolie pulmonaire. C’est ce qui ressortait d’une analyse des éléments médicaux concernant quatre millions de femmes âgées de 15 à 49 ans. Ce résultat, les chercheur·euse·s de la Sécu l’ont déniché dans deux bases de données dont dispose le système français de santé. Toutes les informations y étaient contenues. Il « suffisait » de croiser celles sur les prescriptions de contraceptifs et celles sur les cas de thromboses.

Pour l’épidémiologiste Anick Bérard, chercheuse à l’Université Lyon 1, spécialiste des médicaments pendant la grossesse, le Big Data permet justement de réduire le fossé laissé par les essais cliniques, et lui permet en ce moment-même de réunir des témoignages pour une étude sur la grossesse en temps de Covid-19, grâce à la construction numérique de cohorte. Cela offre une opportunité de mieux prendre en compte le facteur de genre dans le soin. « Surtout quand les données existent. C’est une question de volonté de recherche » nous rappellent Delphine Bauer et Ariane Puccini. Autrement dit, quand on veut, on peut.