Une chronique Radio Nova x Chut! Magazine

Blockchain, métavers, intelligence artificielle, NFT, web 3… la tech vit une véritable effervescence. Sauf quand il est question des femmes. Selon l’association Femmes@Numérique, elles ne composent que 15% des effectifs du secteur. Malgré la course à l’innovation, ce chiffre n’évolue absolument pas depuis au moins une vingtaine d’années. 

Alors pour faire enfin bouger les lignes, la première ministre Elisabeth Borne vient d’annoncer à Vivatech le lancement du programme Tech Pour Toutes qui va accompagner 10 000 jeunes femmes chaque année dans leur formation au numérique avec du mentorat, un accompagnement individuel, un réseau d’entraide et une aide matérielle et financière, tout cela sous la houlette de la fondation INRIA.

Les femmes font partie de l'histoire de l'informatique

Mais pourquoi un tel programme ? L’absence des femmes dans le numérique pose un certain nombre de problèmes : les outils que nous utilisons à raison de plusieurs heures par jour sont conçus majoritairement par des hommes. Le manque de mixité et de diversité au sein des équipes tech favorisent la profusion des biais sexistes et racistes. ChapGPT n’est par exemple pas épargné. L’IA a répondu au chercheur Steven T. Piantadosi que pour être un bon scientifique, il faut être un homme blanc. Un autre exemple frappant consiste à taper PDG sur Google image : on n’y trouve quasiment que des hommes blancs aux cheveux grisonnants. 

Par ailleurs, les métiers de la tech sont bien payés. L’absence des femmes accentue donc les inégalités économiques et salariales, sans compter que ces métiers ne vont faire que se développer dans les prochaines années. Sans les femmes on risque donc un retour en arrière sociétal. 

Mais pourquoi une telle absence dans un secteur pourtant synonyme de grande modernité. Nous avons tendance à penser que les femmes ne seraient « naturellement » pas attirées par les filières scientifiques et numériques. Sauf que non. Comme l’a rappelé Elisabeth Borne dans son discours, « les femmes ont été pionnières de l’informatique ». Ada Lovelace, Alice Recoque, Grace Hopper, tous ces noms doivent être réhabilités.

Une censure sociale

Alors que s’est-il passé ? Quand l’ordinateur personnel est arrivé dans les foyers dans les années 80, que le secteur est devenu un enjeu de pouvoir, à l’époque d’Apple et d’IBM, on a massivement formé les hommes. La chercheuse Isabelle Collet en parle depuis 2017 dans son livre Les Oubliées du Numérique, ce qu’elle y constate, c’est que les femmes n’ont pas été moins présentes. Ce sont les hommes qui ont massivement investi le secteur. C’est ainsi qu’on a façonné au fil des ans cette représentation du geek, jeune homme blanc à capuche. Résultat, aujourd’hui il existe peu, voire pas de représentations de femmes dans le numérique, et les jeunes filles d’aujourd’hui tout comme leurs parents ne s’identifient pas à ces métiers. Comme le dit Isabelle Collet, elles vivent une véritable « censure sociale ».

Cela fait des années que des associations, des femmes entrepreneurs, des collectifs se mobilisent. A présent que le sujet fait l’objet d’un programme politique, gageons que nous verrons enfin des résultats.