A l'écoute

Le Tinder de la politique

A toutes celles et ceux qui regardent d’un peu loin les élections, cette chronique vous est dédiée !

Avez-vous entendu parler de l’application Elyze, l’application qui se propose de vous aider à choisir parmi la cohorte de candidats et candidates à la présidentielle ? Depuis son lancement, l’application affiche un nombre record de téléchargements et affirme avoir dépassé le million en seulement deux semaines. Créée par deux étudiants d’école de commerce âgée de 22 et 19 ans, Elyze aurait été conçue pour réconcilier les plus jeunes avec le vote. A priori, belle idée !

Pour cibler un public jeune, celui chez qui le taux d’abstention est le plus élevé, l’application s’est inspirée de l’application de rencontre Tinder. Elle propose de faire « matcher » l’utilisateur ou utilisatrice avec le ou la candidat·e qui correspond le plus à son profil. Pour cela, il suffit de « swiper », c’est-à-dire balayer l’écran pour approuver ou désapprouver les centaines de propositions anonymisées qui défilent sur son smartphone. Une initiative citoyenne qui a été louée par le plus grand nombre à son lancement.

D'une polémique à l'autre

Oui, mais voilà, c’était peut-être trop beau, ou trop simple, pour être vrai. 10 jours après le lancement de l’application, des critiques bien fondées surgissent. D’abord le 12 janvier, Jean-Luc Mélenchon, via son compte Twitter, a mis en doute la neutralité de l’algorithme. En effet, celui-ci présente toujours Emmanuel Macron en tête sur le podium lorsque deux candidats et/ou candidates sont exæquo. Et l’ordre affiché sur le podium ne correspond pas toujours au pourcentage des réponses données. Il n’en faut pas plus pour crier à la manipulation de masse.
La polémique a repris de la vigueur le 15 janvier sur le compte twitter de Matthis Hammel, spécialiste en cybersécurité. En plongeant dans la base de données d’Elyze, il est parvenu à manipuler les propositions des candidats/candidates, ce qui lui a permis d’apparaître comme le successeur de Jean Castex sur nos smartphones. Une faille de sécurité à laquelle s’ajoute la question de l’utilisation des données collectées par Elyze. L’application demandait en effet à son lancement de renseigner le genre, le code postal et la date de naissance. S’il est possible de passer cette étape, on imagine tout de même que la valeur de cette base de données couplant informations personnelles et opinions ne laisse pas les partis politiques ou les think tanks indifférents.

La CNIL à la rescousse

Entre-temps, les deux créateurs d’Elyze, un peu dépassés par le succès de leur création, ont demandé conseil à la CNIL pour se mettre en conformité avec la réglementation en vigueur, entre autre le fameux RGPD. Résultat, ils viennent de supprimer leurs bases de données, de rendre leur code open source le 20 janvier dernier et de revoir leur copie sur les bugs remontés par les Internautes. Une mise à jour corrective est attendue, mais on ne peut s’empêcher de se demander si une telle application doit venir d’une entité qui n’est pas contrôlée directement par les instances de la République, tant la capacité de manipulation est au rendez-vous et les données personnelles récoltées sensibles. A swiper avec modération.