J’ai toujours eu conscience des minuscules discontinuités dans la texture du réel.
Enfant, j’en avais fait état et on m’avait opposé des mots savants, de ceux qui signifient « ne cherche pas plus loin » : hallucinations auditives, quand c’étaient les paramètres de son qui se déréglaient, visuelles, quand l’image se figeait ou se décomposait, cénesthésiques, quand je perdais conscience de mon unité et de mon organicité.
Par moments, c’était l’ensemble de mon champ perceptif qui me semblait manquer de substance. Déréalisation.
J’appris à me taire quand, les anomalies se multipliant, on proposa à mes parents de garder des traces écrites de mes plaintes, afin d’envisager, à l’adolescence, la mise en place d’un traitement médicamenteux pour corriger ce qui était désormais qualifié de « troubles neurologiques. »
Je continuais de percevoir les erreurs dans la programmation, mais je compris que la plupart des gens les corrigeaient spontanément. Pas question de passer pour folle.

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