Qu’est-ce que l’inclusion numérique et comment la mettre en œuvre ?

C’est un sujet encore jeune et relativement peu structuré. On parle d’inclusion numérique pour une action visant à sortir les gens de l’exclusion numérique et dont l’impact est avéré et aisément quantifiable.  L’inclusion numérique est mise en œuvre par un ensemble d’acteurs publics ou privés : des collectivités territoriales, des médiateurs numériques dans des médiathèques, des acteurs associatifs et même des structures économiques comme Mon Assistant Numérique. Cette dernière est l’archétype du modèle d’inclusion numérique : une entreprise avec une tête de réseau qui se décentralise sur les territoires grâce à un système de licence et un modèle économique de service à la personne.

Que met en œuvre la Banque des Territoires pour soutenir l’inclusion numérique ?

En partenariat avec le groupe SOS et l’accélérateur H7, la Banque des Territoires crée des parcours d’accompagnement sur un an pour huit porteurs de projets. Cet accélérateur de projets entrepreneuriaux est destiné aux sociétés ou aux associations d’inclusion numérique qui ont déjà une structure juridique et des clients. La philosophie qui sous-tend cette idée d’accélérateur est : pour faire le bien il faut bien le faire. Or, bien souvent, les entrepreneurs ont une vision et une volonté sincère d’avoir un impact mais manquent de compétences pour rendre cela concret. Au quotidien, comment répondre à un appel d’offre, gérer une trésorerie ou réaliser un plan marketing ? A travers notre programme, nous souhaitons les accompagner dans leur développement et la gestion de leurs opérations.

Cela ne risque-t-il pas d’empiéter sur le travail des conseiller·ère·s des maisons France Services ?

Non car la fracture numérique ne cesse de se creuser entre des services et des procédures de plus en plus dématérialisées et les 13 millions de personnes qui ne sont pas correctement raccordées au réseau ou qui ne se sentent pas à l’aise avec le numérique. Il y a donc beaucoup à faire dans des champs très divers ! Les conseillers numériques travaillent dans une démarche d’éducation populaire. Ils sont formés pour permettre aux gens qui poussent la porte des maisons France Services de comprendre qu’ils ont le choix de leurs outils numériques, par exemple le nom de leur fournisseur de boîte mail. L’inclusion numérique c’est aussi respecter le droit de chacun de renoncer à ouvrir un compte sur un espace administratif numérisé. 

Le rôle des services publics du futur est d’accompagner les Français·es dans cette anxiété aussi bien que dans ces opportunités enthousiasmantes que le numérique peut parfois créer.

Puisque nous sommes à NEC, comment définissez-vous le « numérique en commun » ?

Un numérique en commun est un numérique relationnel. Les citoyens éprouvent un réel besoin de réassurance concernant les services publics. De nombreuses personnes viennent tous les jours dans les maisons France Services en disant : « Regardez, j’ai reçu un texto me parlant de mon compte CPF, je n’ai pas coupé mon téléphone, j’ai peur que… ». Le rôle des services publics du futur est selon moi d’accompagner les Français·es dans cette anxiété aussi bien que dans ces opportunités enthousiasmantes que le numérique peut parfois créer. 

Certains participant.e.s aux journées NEC défendent le modèle du logiciel libre et des communs numériques. Quelle est votre opinion sur cette question ?

Qui dit commun numérique ne dit pas forcément libre de droit. Différents modèles économiques doivent coexister, on ne peut pas tout démonétiser. Un commun numérique est un objet qui est documenté, diffusable, retravaillable et réappropriable. De ce point de vue, si j’étais provocateur, je dirais que certains entreprises de la French Tech ainsi que les GAFAMS en général produisent des communs : ces entreprises documentent beaucoup de choses, mettent en ligne leurs AP… simplement, elles ont fait le choix d’un modèle économique différent du modèle libriste. D’une certaine manière, on devrait aussi les inviter à exposer leur point de vue lors de ces journées NEC.

Quel modèle économique vous semble le plus approprié pour promouvoir l’inclusion numérique ?

Je crois fondamentalement dans l’alliance du public et du privé. Nous avons par exemple un vrai savoir-faire français sur les jeux vidéo. Pour accélérer la croissance de ce secteur, il a fallu créer des pôles de compétitivité dans les années 2000. Comme le rappelle Henri Verdier, l’Etat avait compris que pour booster l’écosystème il fallait mutualiser les back offices tout en mobilisant aussi les universités. Le rayonnement international des jeux vidéo et des dessins animés français est le résultat de cette hybridation entre grandes entreprises comme Ubisoft et le monde de la recherche. C’est une recette qui s’applique au domaine de la santé et de la mobilité. Je crois aussi au modèle de la coopérative, notamment la coopérative APTIC qui porte le pass numérique. Une coopérative est un collège d’utilisateurs·trices – collectivités territoriales, utilisateurs·trices finaux, médiateurs·trices numériques – dont le rassemblement autour d’un projet commun est la clef d’une bonne politique d’inclusion numérique. C’est aussi cela les communs.