Mon corps, ma donnée, mon IVG
Aux Etats-Unis, le droit d’avorter n’est plus constitutionnel. De nombreuses femmes craignent pour leur santé mais aussi pour leurs données, hébergées par les applications de suivi de règles dont elles sont utilisatrices.
Le 24 juin dernier, la Cour Suprême américaine a annulé l’arrêt Roe vs Wade, qui garantissait depuis 1973 le droit constitutionnel à l’avortement dans tout le pays. Chaque Etat américain peut dorénavant décider s’il autorise ou non les femmes à pratiquer l’avortement. 13 d’entre eux ont déjà mis en œuvre son interdiction, et 13 autres pourraient suivre prochainement, soit plus de la moitié des Etats américains criminalisant l’avortement.
Ce sont ainsi 40 millions de femmes américaines en âge de procréer dont la santé et la vie privée sont directement menacées par ces nouvelles législations qui fleurent bon le puritanisme. Dans ce nouveau paramètre, la politique de données des applications de suivis des règles inquiète les pro-avortement. En 2019, aux Etats-Unis, plus d’un tiers des femmes utilisaient une de ces applications pour assurer le monitoring de leur cycle menstruel, avoir accès à des informations de santé en cas d’irrégularités ou faire le suivi de leur grossesse.
Les données de santé à la portée de l'inquisition policière et justicière
Le problème, c’est que contrairement au personnel médical, ces applications de santé ne tombent pas sous le coup de la loi de 1996 (Health Insurance Portability and Accountability Act) HIPAA qui régule le partage d’informations privées sur la santé aux Etats-Unis. Les données que renseignent les utilisatrices de ces applications peuvent légalement être revendues à des tiers comme des data brokers ou des entreprises de marketing ciblé.
On voit tout de suite le problème dans des Etats anti-avortement, où la police n’aurait qu’à acheter pour une bouchée de pain ou récupérer sous mandat ces données pour incriminer une femme cherchant à avorter. Comment ? Par exemple en utilisant les données de géolocalisation présentes dans certaines applications pour savoir si la personne s’est rendue dans une clinique où l’on pratique l’avortement. Ou encore en analysant les détails sur le poids, les relations sexuelles non protégées, la consommation d’alcool ou de drogue, que les femmes renseignent sur ces applications.
Et si vous estimez que tout cela relève de la dystopie, rappelez-vous qu’au Texas, la loi offre une récompense de 10.000 dollars aux personnes qui dénoncent et portent plainte contre les femmes ayant l’intention d’avorter.
Résultat : depuis mai, les appels à se débarrasser de ces applications se multiplie, provoquant au passage une série d’allégations pleine de bonne foi chez les principales concernées. Parmi les plus populaires, Flo est aussi celles qui concentre le plus de critiques. Sur Twitter, l’application a assuré dans la foulée de la décision de la Cour Suprême lancer prochainement un mode anonyme pour protéger ses utilisatrices. Rappelons qu’en 2019, une enquête du Wall Street Journal a montré que l’application informait Facebook de l’activité de ses utilisatrices, notamment lorsque celles-ci avaient leurs règles ou avaient l’intention de tomber enceinte.
Clue, une application allemande, tente quant à elle de rassurer ses clientes américaines en rappelant sur son site qu’elle est soumise au RGPD européen et que son modèle économique ne repose que sur la souscription payante à ses services et non à la revente des données à des tiers.
Comme quoi, quand on parle de données, on parle aussi de liberté !
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