Rénover au lieu d’innover
Désignant initialement la capacité à remettre quelque chose à neuf, la définition de « l’innovation » a depuis bien changé. Un saut du coq latin à l’âne de la startup nation.
Libéré, Rénové
Incubateur, accélérateur, croissance, hypercroissance, startup et même scale up, si vous côtoyez de près ou de loin la startup nation, je parie que ce jargon de la vitesse ne vous est pas étranger. C’est même un critère de réussite, à en croire les unes de certains médias qui s’extasient sur les vitesses records de certaines levées de fonds. Pour innover et entreprendre, il semblerait qu’il faille lever beaucoup d’argent, et vite. Mais qu’y a-t-il derrière cette injonction de la vitesse ? Et puis est-ce qu’on est forcément obligés d’aller vite lorsqu’on porte un projet ?
Le philosophe Vincent Bontems nous apprend que le concept d’innovation a beaucoup évolué. Chez les Latins cela signifiait remettre à neuf, rénover. On est donc très loin de l’idée de génie des inventeurs…Le terme innover est également utilisé par les penseurs comme Montaigne, Bacon et Machiavel. Sous leur plume de philosophes du politique, le mot renvoie à la transformation des fonctions de l’Etat, loin de l’acception actuelle qui le lie à la prise de risque.
De la rénovation à la disruption
L’idée du risque arrive bien plus tard, au cours des XIXè et surtout XXè siècle. Apparaissent alors la notion d’entrepreneurs puis celle de disruption, inventée par Clayton Christensen au cours des années 90, dont la théorisation culmine avec le concept d’innovation de ruptur. Aujourd’hui, le concept de disruption est tellement utilisé qu’on peut avoir le sentiment que l’innovation passe forcément par la rupture, la destruction de quelque chose, comme le laisse penser le dynamitage du marché des taxis par Uber.
Mais la destruction créatrice, concept schumpeterien cher à Christensen, est selon lui censé être l’exception plutôt que la règle. Ce qui a changé aujourd’hui n’est pas tant l’innovation en elle-même, qui a toujours besoin de temps pour se concrétiser : 30 ans ont été nécessaires pour mettre au point la technologie de l’ARN messager. Ce qui a changé, c’est l’arrivée d’investisseurs qui misent sur une startup tout en souhaitant récupérer leur mise le plus vite possible. Et pourtant, pas un jour ne passe sans qu’on mette l’accélération de notre époque sur le dos des technologies.
Alors, comment lutter contre cette injonction de la vitesse ? Certains se tournent vers le slowpreneuriat, et misent sur d’autres critères de réussite que les seuls critères financiers, tout en essayant de garder du temps pour eux. L’entrepreneur Yann Mauchamp, me lançait récemment l’idée de lancer un décélérateur, un endroit où on inventerait différemment et surtout lentement. Au lieu d’innover, on pourrait essayer de rénover comme les latins. Finalement, on a rien inventé.
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