Peggy Vicomte : « Nous avons besoin d’une politique volontariste au niveau national »
L’accès des femmes aux métiers du numérique se heurte encore à de nombreux biais et obstacles. Peggy Vicomte, déléguée générale de Femmes@Numérique plaide pour un « front commun » des acteurs engagés sur le sujet et une meilleure coordination de leurs actions.
De quel constat est née votre démarche ?
En dépit des actions menées depuis une dizaine d’années par les associations et les entreprises engagées sur le sujet de la place des femmes dans les métiers du numérique, seulement 15 % des métiers techniques stratégiques comme la gestion des systèmes d’information, la cybersécurité ou la programmation sont aujourd’hui occupés par des femmes. Entre le moment où une jeune fille embrasse l’idée d’une carrière dans la tech et le moment de la concrétisation de ce projet, de nombreux freins et obstacles la font dévier. Le parcours entre ces deux étapes est comme un tuyau percé. Pour preuve, 22 % des femmes de 25 à 34 ans ont déjà redouté ou renoncé à s’engager dans des filières scientifiques.
Comment inverser cette tendance ?
La désaffection des filles pour le numérique a des causes multifactorielles et donc des solutions multifactorielles : aide financière, mentorat, sensibilisation, etc. Malgré les efforts déployés par le tissu associatif, ces actions ne peuvent fonctionner sans une politique volontariste au niveau national, de manière à coordonner toutes ces actions. Une jeune fille sensibilisée en 3e sur les métiers du numérique doit être aidée tout au long du lycée pour choisir, si elle le souhaite, la bonne formation sur Parcoursup. Il faut orchestrer toutes les mesures qui existent pour créer un parcours d’accompagnement clair et continu.
Que retenir des premières Assises de la féminisation des métiers et filières du numérique, que Femmes@ Numérique a organisé en février 2023 ?
C’est le premier jalon du « front commun » de tous les prescripteurs de l’orientation, de l’éducation et de la formation. Nous avons fait intervenir une représentation homogène de l’écosystème, avec des personnes issues du monde entrepreneurial, associatif, éducatif et des collectivités. Face au manque de candidatures féminines dans les secteurs de la tech, les entreprises renvoyaient la responsabilité sur l’enseignement supérieur, l’université sur les lycées et, en bout de chaîne, sur les parents.
Quelles sont les mesures concrètes qui en ont découlé ?
Notre plaidoyer a nourri la réflexion qui a abouti au programme « Tech pour toutes » annoncé par la première ministre Élisabeth Borne en juin dernier. L’objectif de ce programme piloté par la Fondation INRIA et dont Femmes@Numérique est membre fondateur, est de structurer l’accompagnement individuel et collectif de 10 000 jeunes filles par an avec du mentorat, une aide financière et un suivi en lien avec les écoles. Avec un message clair : ne pas lâcher ces filles pendant tout leur parcours !
Sous l’impulsion d’Élisabeth Moreno, nommée à la présidence de notre fondation en juin dernier, nous allons continuer à développer notre ancrage territorial en organisant des Assises régionales à Rennes, avant un nouveau rendez-vous national en février 2024.
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