La fama, prison pour femmes

SI L’ON VOULAIT le raconter comme une pièce de théâtre tragique, on dirait que le terrible destin de Shaïna Hansye, cette jeune fille poignardée et brûlée vive en 2019 par son ex-petit-ami, à Creil, dans l’Oise, après avoir appris qu’elle était enceinte, a été noué par une déesse antique : Fama, allégorie de la réputation. Deux ans plus tôt, elle tient déjà au creux de sa main Shaïna, lorsqu’un autre garçon, Ahmed (le prénom a été modifié, conformément à la loi), 14 ans, obtient le snap de sa future victime à la sortie de l’école. Dans les nouveaux rituels de la drague, avoir le snap d’une fille, c’est la première étape. Un petit morceau d’intimité numérique qui n’est qu’un début pour Ahmed, puisqu’il exige de Shaïna des nudes et les obtient. Il la fait alors chanter en menaçant de diffuser les images.

Pourquoi son chantage fonctionne ? Parce que Shaïna, comme toutes les filles de son âge, a peur de Fama ; autrement dit, elle craint pour sa réputation. Voulant la protéger, elle est contrainte d’accepter de suivre Ahmed dans une ancienne clinique en ruine où, dénonce-t-elle à la police juste après, il la viole avec des amis. Ils ne se contentent pas de son corps, ils veulent encore souiller son image : ils diffusent donc l’acte sur Snapchat. Shaïna devient alors aux yeux des autres garçons du coin, parmi lesquels son futur meurtrier, une « fille facile », du genre de celles à qui l’on fait ce que l’on veut.

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