Dans une petite salle austère équipée de six postes informatiques, la lumière crue des néons éclaire les moues dubitatives de cinq assistantes maternelles. La responsable du relai petite enfance du centre social et culturel Peyri de Vaulx-en-Velin (69) a organisé un atelier pour qu’elles prennent en main « monenfant.fr », le site de la Caf (Caisse d’allocations familiales) recensant les structures d’accueil d’enfants.

En ce matin grisâtre de janvier, le cœur n’y est pas. « On n’a pas besoin de ça, une nounou c’est du bouche-à-oreille ! », estime Evy, accoudée à un gros classeur renfermant dix années de contrats, attestations et agréments, qu’elle garde bien rangés dans des feuilles plastifiées. Pourtant, depuis septembre 2021, un décret oblige les « assmat’ » à être référencées sur la plateforme de la Caf. Alors, bon gré mal gré, Evy écoute les conseils de Florian, 28 ans, le conseiller numérique venu les aider à finaliser leur inscription. « Tout ça me stresse », tranche la quinquagénaire d’une voix rauque.

Si la dématérialisation de toute forme de rapport social, marchand ou institutionnel était un incendie, Florian en serait l’un des pompiers. « Les gens que je rencontre ont une compréhension du numérique qui se résume à l’équation : informatique = Internet = dangereux. Mon rôle est de les conduire à dédramatiser petit à petit », explique ce jeune ingénieur de formation qui a décidé de se consacrer à la médiation numérique après un service civique à l’accueil de Pôle emploi.

Avec son catogan, ses bretelles et son sourire engageant, il est l’un des visages du dispositif conseiller numérique France Services (CNFS), mesure phare du volet inclusion numérique lancé en novembre 2020 dans le cadre du plan France Relance. Comme lui, 4 000 conseiller·ères numériques ont été embauché·es par des associations ou des collectivités pour accompagner la montée en compétence et en autonomie des 13 millions de Français·es en situation de fracture numérique.

« Beaucoup plus à l’aise que la plupart des groupes qu’ [il voit] », les assistantes maternelles dont s’occupe Florian ce matin ont surtout besoin de « prendre confiance » en elles. Sur l’écran d’un des ordinateurs, le lent mouvement horizontal du curseur égrenant mot par mot les lignes du formulaire d’inscription a quelque chose du doigt enfantin appliqué sur un cahier de lecture. Au bout de la souris, une main s’agite : Rose, 62 ans, Sicilienne d’origine, s’agace de devoir renseigner « son vrai nom » car après « ils te harcèlent ». Sous le coup de la méfiance, son bras se tend : « J’ai l’impression d’être suivie ».

Zaïra l’écoute les bras croisés, son smartphone posé à côté d’elle ; elle est déjà inscrite. « Mon mari m’a aidée », explique-t-elle aux autres d’une voix timide. « Faut pas dire que c’est ton mari, faut dire que c’est toi toute seule ! », lui lance, amusée, une de ses collègues.

Après une heure d’échanges et de conseils sur la manière de créer un mot de passe robuste ou de téléverser un document, toutes ont pu finaliser leur inscription. « C’est mieux de travailler en groupe, chez moi j’avais abandonné », s’enthousiasme Acina tout en avouant continuer à « être plus papier que clé USB ». Toutes souhaitent revenir pour un prochain atelier. Florian s’en réjouit mais prévient : « Je pars dans un mois, mon CDD ne durait que 18 mois. » « Encore un exploité ! », cingle Rose dans un rire jaune.

Angle mort du dispositif, la question de la pérennisation des postes cristallise les inquiétudes des conseiller·ères numériques et de leurs employeurs, comme l’a souligné en décembre un rapport de la Commission supérieure du numérique et des postes.

« C’est mieux de travailler en groupe, chez moi j’avais abandonné », s’enthousiasme Acina tout en avouant continuer à « être plus papier que clé USB ». Toutes souhaitent revenir pour un prochain atelier. Florian s’en réjouit mais prévient : « Je pars dans un mois, mon CDD ne durait que 18 mois. » « Encore un exploité ! », cingle Rose dans un rire jaune.

Angle mort du dispositif, la question de la pérennisation des postes cristallise les inquiétudes des conseiller·ères numériques et de leurs employeurs, comme l’a souligné en décembre un rapport de la Commission supérieure du numérique et des postes.

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