Découvrir, apprendre, se former, développer et transmettre ses savoirs et ses compétences sont des capacités dont chaque être humain dispose dès sa naissance pour progresser tout au long de la vie. Ces capacités d’autodidaxie naturelles redoutablement efficaces nous permettre d’apprendre à parler sans même connaître l’existence de la grammaire, ou de maîtriser l’équilibre et la marche sans connaître les lois de la physique.

La formation sous ses formes traditionnelles complète cette autodidaxie par des dispositifs « de masse » : des classes de 30 élèves (ou plus), des amphis de 100 étudiant·es, des salles de stage de vingt personnes, avec son lot de contraintes : des lieux, des dates, des programmes et des contenus identiques pour tout le monde. Le monde d’aujourd’hui (qu’on dit VUCA : Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu) s’accélère, rend rapidement obsolètes nos connaissances et oblige à garder en éveil nos capacités d’apprentissage. Face aux contraintes de la formation telle qu’elle a toujours existé, et à cette pression quotidienne pour rester dans la course, les neurosciences et le digital forment un duo qui permet de renforcer les leviers essentiels à une formation performante.

Votre attention s’il vous plaît !

L’attention est à la base de tout apprentissage, sans attention, pas de compréhension, pas de mémorisation. Mais pour l’obtenir, il y a un prérequis : en donner ! Effectivement, commencez par porter attention aux apprenant·es, vous obtiendrez alors leur attention, sans avoir à la réclamer.
Pour renforcer l’attention, il existe deux puissants leviers :
⟶ Stimuler plusieurs sens : chacun de nos sens renforce les autres, alors ajouter un commentaire sonore   une image rendra celle-ci encore plus percutante. En salle, n’hésitez pas à faire bouger les apprenant·es : les sensations physiques rendent notre cerveau plus performant.
⟶ Utiliser les émotions : les émotions fonctionnent comme un activateur d’attention, alors soyez créatif ·ves pour les provoquer : racontez une histoire, utilisez un ton décalé, proposez une énigme, faites un trait d’humour, utilisez une image choc, etc.

On se motive !

Obtenir l’attention est une chose, renforcer la motivation en est une autre. En effet, c’est la motivation qui va permettre de « tenir » l’ apprenant·e dans la durée. Avant de chercher à renforcer la motivation, voyons ce qui peut la freiner :
⟶ Notre tendance naturelle à nous économiser ;
⟶ Notre aversion au risque de se tromper ou de commettre des erreurs ;
⟶ Notre inclination naturelle à éviter les émotions négatives ;
⟶ Notre capacité attentionnelle limitée.
Renversons ces aversions en appuyant sur les leviers de motivation :
⟶ Résoudre des énigmes : pariez sur l’envie des apprenant·es de trouver des solutions pour les motiver ;
⟶ Obtenir des récompenses : et oui, Pavlov avait raison : fournir des retours après chaque activité enforce la motivation ;
⟶ Susciter la curiosité : donnez de la liberté pour provoquer l’envie de découvrir, explorer ;
⟶ Avoir des surprises : utilisez le décalage, les métaphores, le storytelling… Cela provoque des surprises et renforce encore la motivation.

Mémoriser n’est pas se souvenir

Bien, vous avez l’attention et la motivation, il ne reste plus qu’à mémoriser. Et non, pas tout à fait. Car mémoriser, nous en sommes tous et toutes capables. Mais retrouver l’information stockée est une autre affaire. Chaque petite information stockée laisse une trace mémorielle. Avec le temps, si celle-ci n’est pas renforcée, elle disparaît. Impossible alors de retrouver le chemin, et donc de se souvenir.
On a tendance à dire que la pédagogie est l’art de la répétition. Oui et non. Voici quelques clés de la mémorisation à long terme :
⟶ Répéter oui, mais sous des formes différentes pour enrichir l’information et multiplier les indices de récupération de cette information ;
⟶ Associer les informations nouvelles avec les anciennes pour faire se croiser les traces mémorielles et faciliter les souvenirs ;
⟶ Faire restituer l’information à chaud, tiède, et à froid. Et c’est là qu’il faut particulièrement faire répéter, non pas l’information, mais sa restitution, c’est cet exercice de souvenir espacé qui va renforcer la trace mémorielle et rendre durable l’information stockée.
Être attentif·ve, être motivé·e et mémoriser sont les bases essentielles à la formation. Elle reste cependant un processus complexe qui consiste à cloner une partie du cerveau d’un sachant vers un apprenant. Certain·es ont tenté de réduire les connaissances et les pensées à des données et des principes physiques : le téléchargement de l’esprit. Ce procédé pourrait fonctionner si tous les cerveaux étaient identiques. Or, c’est ballot, ils sont tous différents. Combiner l’alignement des formations et nos mécanismes naturels d’apprentissage, avec le potentiel de personnalisation et d’individualisation qu’offre le digital, permet de résoudre l’équation de la formation de masse avec l’individualisation de l’apprentissage.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Philippe Lacroix est cofondateur avec Philippe Gil du cabinet de conseil en stratégie de formation ILDI (il-di.com). Avec Nadia Medjad, fondatrice de Neuro- Echology (medjad.com), ils ont coécrit Neurolearning
(Eyrolles, 2016), qui présente plus largement les notions exposées dans cette tribune.

Image. chili drop.