Des liens étroits entre tyrans et technologies

Depuis 2006, je vis et travaille dans la Silicon Valley où je suis entourée d’innovations toujours plus pointues en matière de robotique, de voitures autonomes ou d’Intelligence artificielle (AI). Je me retrouve donc sans arrêt face à ce désir moderne de créer de la vie artificielle, de faire progresser les robots, les IA, mais aussi d’augmenter les capacités de l’être humain, avec des rêves de longévité voire d’immortalité. En tant qu’historienne des sciences, j’ai voulu remonter à l’origine profonde de tels désirs. Dans mon livre Gods and Robots, je pose cette question : « Qui a imaginé les robots, l’humain augmenté, ou l’IA en premier ? ». Et je me suis demandé s’il était possible qu’on ait pu imaginer « le concept » de machines autonomes ou de vies artificielles bien avant que les technologies n’existent ? C’est comme ça que j’ai découvert qu’à des époques aussi anciennes que celle de la Grèce antique, plus de 2500 ans en arrière, les mythes envisageaient déjà l’idée d’imiter, d’augmenter ou de dépasser la nature. Ce que les Grecs appelaient eux-mêmes « bio-techne », « la vie faite main » (bios = vie, techne = fabriqué, produit, par l’art de la science ou du savoir-faire, ndlr). Un mélange de vivants et de machines. Autrement dit, la biotechnologie.