#MeToo ou la revanche de Cassandre

Au début, il y a une fillette qui joue sur les dalles du temple d’Athéna, la déesse à laquelle elle est consacrée. C’est Cassandre. Très belle et très blonde, raconte Homère dans l’Illiade, elle a pour père Priam, roi de Troie. Or donc le dieu Apollon vient à passer et conçoit pour elle un désir irrépressible. Tout à son envie d’elle, il lui offre un don exorbitant : celui de voir l’avenir. Il exige pour récompense de la pénétrer sur le champ. La petite se débat rageusement et échappe au viol – fait unique dans la mythologie. Le dieu se venge à la mesure du dépit qu’il ressent, en crachant à la bouche de sa victime : c’est ce crachat qui transforme chacune des exhortations ultérieures de Cassandre en autant de litanies d’une folle, risibles et excessives. Pour peine d’avoir été agressée, elle est celle qui voit les choses le plus lucidement – viols, meurtres, pillage de tout ce qu’elle aime – et qui ne peut les faire voir aux autres. Comme l’écrit Muriel Szac dans L’Odyssée des Femmes, « Ce que le mythe nous apprend, c’est bien la lucidité et la clairvoyance des femmes face aux épreuves, le poids de leur parole et les risques d’une société à ne pas en tenir compte.» Sa clairvoyance fait aussi d’elle la plus douloureuse des héroïnes de la mythologie.

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