Qu’est-ce qui caractérise vos travaux à Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) ?

Je travaille sur la cryptographie symétrique, qui s’apparente à la version moderne des traditionnels codes secrets utilisés pour rendre des messages inintelligibles. Je combine des aspects de cryptanalyse et des aspects mathématiques pour comprendre formellement pourquoi une attaque fonctionne et en déduire de nouveaux critères afin d’anticiper les prochaines vulnérabilités. Mon but est à la fois de me mettre dans la peau d’une attaquante pour casser un système de cryptographie et en trouver les failles, et de créer de nouveaux algorithmes capables d’implémenter de la cryptographie dans des dispositifs disposant de peu d’énergie : un pass Navigo, un implant médical connecté, etc.

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Élue femme scientifique de l’année, comment jugez-vous la place accordée aux femmes dans les sciences ?

Elle est terrible, à tous les niveaux. La réforme du bac s’est accompagnée d’une perte de 25 % d’élèves scientifiques entre 2019 et 2021, avec une baisse encore plus marquée chez les filles. Dans les cours d’informatique que je donne à l’université, il devient rarissime de voir des filles. Ce moment de creux s’explique aussi par un resserrement du recrutement des écoles d’ingénieurs à quelques classes préparatoires d’Île-de-France, au détriment de la diversité, à la fois sociale et de genre. Les conditions d’attribution des financements de recherche sont également en cause. Désormais, le financement de la thèse n’est pas garanti. Résultat, les jeunes femmes se censurent plus facilement par peur de ne pas l’obtenir.

Pourquoi la recherche a-t-elle besoin de plus de mixité ?

Une grande avancée scientifique est presque toujours le produit des contributions de plusieurs chercheurs, de la confrontation des idées. C’est grâce à la diversité, de parcours, de genre, de domaine de recherche qu’on peut prendre un même problème sous différents angles et s’enrichir des différents points de vue. Par ailleurs, à une époque où s’accroît la défiance de la population vis-à-vis de la science, il est important que la communauté scientifique renvoie une image à laquelle un maximum de gens puisse s’identifier.