Nadalette La Fonta : « Prenez le pouvoir et faites entendre votre voix »
Après une carrière menée au sein de grands groupes de la tech, Nadalette La Fonta est devenue « passeuse de mots ». En prolongement de sa conférenceTedX « Rien ne nous arrive par hasard », visionnée plus de 2 millions de fois, elle partage ses convictions dans un Manifeste pour ne pas passer à côté de sa vie.
Quel regard portez-vous sur vos années au sein de grandes entreprises de la tech ?
Ma vie est celle d’une femme confrontée à un monde d’hommes. J’ai fait mes débuts dans le secteur de la tech en entrant chez Apple. Dans cet eldorado qu’était devenue la tech à cette époque, dans les années 1980, les femmes étaient bien présentes, mais seulement dans le back office.
Quand avez-vous pris conscience du manque de mixité et de diversité dans la tech ?
C’est avec IBM que j’ai appris la diversité, alors que j’avais 45 ans. L’entreprise a su enclencher des grandes manœuvres sur le sujet. Ils ont fait mûrir nombre de personnes, dont moi. Mon accident opératoire de 2014 m’a coupée de tout pendant un temps. En revenant, après un long combat pour retrouver une partie de ma mobilité, j’ai retrouvé de la sororité auprès de celles et ceux qui ont fondé l’association Digital Ladies & Allies. Aujourd’hui, je fais partie du « Comité des sages » de l’association. Mon rôle est de prendre le temps de la réflexion pour penser les changements à opérer au sein de l’écosystème.
Que conseillez-vous aux jeunes femmes qui entrent sur le marché du travail dans un secteur sexiste ?
La première étape, c’est de se respecter et d’avoir confiance en soi. La confiance est quelque chose sur lequel on peut travailler, si besoin, mais le respect est une donnée qui n’est pas négociable. Les femmes de ma génération ont mis beaucoup de temps à comprendre qu’il fallait se respecter. Nous nous sommes adaptées à ce monde masculin, à ce monde agressif sexuellement, à ce monde où les hommes avaient le pouvoir. Nous ne nous sommes pas assez respectées pour exprimer nos voix. Donc désormais, je leur dirais, il n’y a pas que l’argent et le statut social dans la vie professionnelle. Oui, prenez le pouvoir, sans être ni agressive ni servile, et surtout faites entendre votre voix.
Quelles sont les erreurs à éviter ?
La jeune femme que j’ai été et qui était une vraie tueuse à l’époque, parce qu’elle vivait dans ce monde de tueurs. Je la regarde avec une certaine tendresse parce qu’elle n’a pas eu d’autre choix. Pour autant, dans cet écosystème qui n’est toujours pas simple pour les femmes, j’aimerais qu’elles aient la capacité et la possibilité d’être plus éveillées et de ne pas s’endurcir et s’abîmer autant que ma génération. Quand je m’adresse aux jeunes femmes d’aujourd’hui, je les déculpabilise et je dédramatise. Nous ne sommes pas obligées, pour réussir, d’aller jusqu’à s’épuiser physiquement et moralement. J’ai été dans un combat tellement permanent entre 30 ans et 45 ans, pour garder ma place ou gagner un statut, de l’argent, que j’y ai perdu en grande partie ma santé.
Pourquoi leur adresser votre dernier livre ?
Ce que je voudrais, c’est juste laisser quelques modes d’emploi, quelques cailloux blancs, du bon sens, et éviter pour elles en particulier quelques erreurs et quelques souffrances.
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