Cofondatrice de la plateforme Sayna, Matina Razafimahefa figure dans la liste 2023 et 2024 des « 30 under 30 » (« les 30 jeunes de moins de 30 ans » de Forbes Afrique. Franco-malgache, née en Côte d’Ivoire puis élevée entre Madagascar et la France, elle se dit issue d’un milieu plutôt privilégié. Père gynécologue et mère ingénieure polytechnicienne, la famille est « aisée en termes de capital social et culturel ». Elle découvre YouTube à 15 ans, où elle comble ses lacunes en maths grâce à des vidéos « tuto », et obtient un 16/20 au bac qui a surpris sa professeure de maths au lycée. Au constat « Internet c’est puissant ! » répond une inquiétude : « Je me demandais pourquoi j’avais accès à ça et les enfants des rues, non. Je me demandais comment ils allaient faire. Plein de gens génèrent des revenus en ligne, pourquoi ce n’est pas ouvert à tout le monde ? ». 

« J’ai vu que je savais utiliser Internet et que j’avais acquis des compétences, qui donnaient plus de possibilités d’agir et augmentaient ainsi la possibilité de gagner de l’argent ». Naît l’idée du portail Sayna.io, qui propose une formation au numérique sous la forme d’un jeu vidéo interactif. Sayna est une structure familiale, Matina travaille avec des proches : sa mère, son frère, son compagnon. La « communauté » Sayna compte 11 000 membres, âgés de 16 à 55 ans. La formation porte toujours sur le numérique (mise à jour de CRM, nettoyage de données, entraînement d’IA, marketing, rédaction web, SEO, SEA, développement WordPress, maintenance, assistance virtuelle…), mais aussi sur les façons de générer des revenus grâce aux compétences acquises (comment travailler en freelance, comment créer une start-up, décrocher un CDI, créer des contenus en ligne). 

« Les compétences sont un outil d’émancipation »

En plus des 11 000 utilisateurs « B to C », Sayna travaille avec une vingtaine d’entreprises et agences gouvernementales. Agissant aussi comme une sorte d’agence de placement, Sayna met en relation ces structures avec des membres du réseau qui peuvent travailler pour elles. « Notre objectif au départ était de former 10 000 personnes et leur permettre de générer des revenus avec le numérique. C’est fait ». Matina « rêve de permettre à des millions de personnes de s’en sortir grâce au numérique ». Pour elle-même, à terme, une maison, un potager, un panneau solaire, et une activité numérique. Inquiète des prix de la nourriture et de l’énergie aujourd’hui, elle estime qu’« un retour est essentiel. On est si dépendants, alors que le soleil peut produire de l’énergie et on peut faire pousser de la nourriture ». Elle aimerait que son travail d’aujourd’hui ait un impact au-delà d’elle et que « les systèmes qu’on a mis en place pour apprendre et travailler puissent perdurer ».