Un entretien à lire ou à écouter !

Comment passe-t-on de femme de lettres à un poste de direction au sein d'une entreprise de la tech ?

J’ai fait le grand saut des médias vers l’entreprise pour pouvoir amener l’entreprise à faire le grand saut elle aussi et à se transformer. C’est ce qui est absolument passionnant dans mes activités de tous les jours, faire pivoter une organisation et transformer les business models. J’ai la conviction que si nous n’entreprenons pas ce virage environnemental et sociétal, l’entreprise, quelle qu’elle soit, va disparaître.

Vous avez le sentiment d'être une femme de la tech ?

Oui, je me considère comme une femme de la Tech, même si je n’ai pas fait d’écoles d’ingénieurs. Il faut commencer par démystifier la tech. Quand on voit qu’aujourd’hui seulement 7% d’adolescentes  se projettent dans des métiers liés au numérique en France, c’est extrêmement préoccupant. On sait très bien que la plupart des métiers de demain, ceux qui n’existent pas encore, seront liés au numérique. C’est très important de casser les préjugés. Nous ne sommes pas obligées d’avoir fait une grande école d’ingénieurs pour être dans la tech. Pas besoin d’être un ou une crack en math, ou un geek à capuche. La technologie, la programmation, c’est un langage,  il faut juste apprendre à maîtriser ces langages là.

Quelle est votre feuille de route ?

Changer les mindsets, les process, et intégrer la RSE dans toutes les décisions du quotidien. C’est tout ce travail qui est passionnant et qui est un travail de longue haleine, mais on voit bien comment les intérêts peuvent se rejoindre quand il y a une crise économique comme celle que l’on traverse. Quand je suis arrivé chez Orange, je prenais mon bâton de pèlerin pour inciter les pays à faire des contrats d’achats sur le long terme d’énergie verte, ce qu’on appelle des Vente directe d’électricité ou Power Purchase Agreement. Et c’était parfois difficile de convaincre. Ceux et celles qui m’ont écouté sont aujourd’hui très contents, parce que lorsque l’on voit l’explosion des prix de l’énergie, l’énergie verte a toute sa place. Et tout le monde y trouve son compte. 

Vous êtes également à la tête d’un programme qui met en avant plus de mixité dans la Tech, Hello Women. Quel en est le principe ?

J’ai lancé avec mes équipes diversité le programme Hello Women pour œuvrer pour plus de mixité dans le numérique. En interne comme en externe. C’est un programme qui fonctionne sous la forme d’un appel à projets en partenariat avec des associations dans les différents pays ou le groupe Orange est présent avec quatre volets. Le premier, c’est celui de la sensibilisation. Dès le collège, nous essayons d’accompagner les jeunes filles vers des filières scientifiques, puis vers des formations que nous réalisons en partenariat avec des universités, sur des métiers de technicienne d’intervention par exemple. Nous avons aussi un volet sensibilisation, sourcing, recrutement et formation. Et un volet reconversion avec toute une série de passerelles au sein même du groupe. Enfin, nous avons un volet fidélisation, puisque nous nous sommes rendus compte que certaines femmes dans les métiers de la tech font le choix d’en sortir. Tout l’enjeu est de les retenir pour les amener aussi dans les plus hautes fonctions.

C’est un gros dispositif que nous déployons dans tous les pays où Orange est présent. Nous organisons un événement le 31 janvier 2023 à Paris afin de mettre en lumière le programme et le mouvement, mais également par extension, toutes les actions de la fondation qui accompagne les femmes vers plus d’autonomie financière, vers plus d’emploi via les outils digitaux. Nous serons présents aussi la journée du 8 mars dans nos Orange Digital Center partout dans le Monde, de Dakar à Varsovie. Ce sont des lieux uniques, gratuits, accessibles à tous et toutes, dans le cadre du développement de compétences numériques. Il s’agit vraiment de notre étendard d’inclusion numérique. 

L’autisme est un sujet important à vos yeux et qui s’inscrit dans l’inclusion. Comment l’adressez-vous au sein du groupe ?

Nous adressons toutes les formes de diversité avec la conviction profonde que la diversité est une source de performance et donc un exemple. Le programme NeuroAtypic que j’ai lancé avec les équipes Diversité à mon arrivée est parti d’un constat : la Fondation Orange a 30 ans d’expertise dans le domaine de l’autisme. Nous sommes la seule fondation à en faire un axe de mécénat. De l’autre côté, dans des métiers très précis, dans la data, il y a chez Orange Cyberdéfense, des difficultés à recruter des talents. Et on sait que certaines personnes avec des troubles du spectre autistique ont des compétences clés dans ces métiers. Simplement, il faut pouvoir les accompagner en favorisant un environnement de travail inclusif. Et pour cela, nous avons lancé ce programme NeuroTeam qui a été porté par une communauté de salariés qui se sont eux mêmes nommés les atypiques, et qui y ont vu une opportunité de prendre en compte la neurodiversité dans son ensemble, comme la dyslexie, l’hypersensibilité, le haut potentiel intellectuel. Il y a eu un bel élan de mobilisation.

Envie d’avoir de nos nouvelles par mail ?
Aujourd’hui, nous avons fait nos premiers recrutements chez Orange Cyberdéfense et nous avons publié un guide pédagogique diffusé auprès des managers. Nous formons également les recruteurs. C’est un programme où nous sommes assez pionniers, et dans lequel nous croyons beaucoup. Nous avons besoin de toutes les formes d’intelligence pour relever les défis de ce siècle qui nous concerne tous. J’ai la conviction que quand on crée un environnement de travail inclusif, tous les collaborateurs en bénéficient et pas seulement ceux qui ont une particularité. 

Vous êtes aussi présidente déléguée de la Fondation Orange. Quelles sont les actions de la Fondation ?

La colonne vertébrale de la Fondation Orange, c’est l’inclusion numérique solidaire. L’objectif est de trouver comment aller chercher les personnes les plus éloignées du numérique ou les plus fragiles pour les aider grâce aux outils numériques. Tous ces programmes sont dispensés dans nos Orange Digital Center, dans tous les pays où Orange est présent. La fondation agit vraiment pour les plus éloignés, avec aussi un marqueur culturel parce que c’est important de ne pas être dans le tout numérique. Par exemple, nous avons le prix Orange du livre que nous avons décliné en Afrique aussi avec le Prix Orange du livre en Afrique et notre première lauréate l’année dernière a remporté ensuite le Goncourt des lycéens, qui n’est autre qu’Amadou Amal pour son roman Les Impatientes.

Est-ce que la possibilité d'œuvrer aussi pour le continent Africain a été déterminante pour vous ?

Je pense que c’est l’Afrique qui m’a donné envie de venir travailler chez Orange. J’ai cette conviction que les grandes entreprises ont vraiment le pouvoir de transformer les sociétés. En Afrique, c’est vraiment palpable au jour le jour. L’Afrique n’a presque pas connu de téléphone fixe. Du jour au lendemain, nous sommes passés de “pas de connectivité” à la 4G, même s’ il y a un sujet d’accessibilité. Et le développement des compétences numériques est aussi un sujet clé, car avec la connectivité arrivent aussi des services, comme la santé ou l’éducation. Orange Money ( le service de transfert d’argent et de paiement mobile du groupe Orange, proposé dans la majorité des pays d’Afrique où l’opérateur est présent) a aussi été un formidable accélérateur de croissance parce qu’aujourd’hui, ce sont des dizaines de milliers d’entrepreneurs sur le continent qui font toutes leurs transactions sur le mobile. Et pour les zones blanches, non couvertes par le réseau, Orange peut couvrir des régions reculées en installant ce qu’on appelle un mini grid, c’est-à-dire une petite antenne avec un petit générateur qui fonctionne à l’énergie solaire. 

Mixité, Inclusion, solidarité, éthique. Selon vous, quelle est la définition d’un numérique responsable ?

C’est un numérique qui s’inscrit dans la théorie du donut, développée par l’économiste Kate Raworth. Selon cette théorie, les activités humaines doivent s’inscrire au-dessus d’un plancher sociétal minimal et en-dessous du plafond des limites planétaires. Tout ce qu’on fait à la RSE chez Orange, on le fait avec cette approche holistique. On en revient à la littérature qui n’est jamais très loin. C’est Rabelais qui disait « sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Dans ce sens, c’est un numérique qui se pose les bonnes questions avant de développer la technologie d’après. 

 

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Orange.