Ecouter la chronique Tech Paf

A toutes celles et ceux qui s’inquiètent de voir leurs enfants exposés à des contenus pornographiques, cette chronique est pour vous.

Vendredi dernier, le tribunal judiciaire de Paris a débouté la demande de deux associations de protection de l’enfance, visant à bloquer l’accès à plusieurs sites pornographiques, dont les mastodontes You Porn et Pornhub. La cause de ce rejet ? La cible de ces associations, qui visaient les fournisseurs d’accès internet et non les sites eux-mêmes. Mais la surprise est venue d’ailleurs : la veille, un décret d’application d’une loi de juillet 2020 a fait du CSA le nouveau gendarme des sites pornos !

Jusqu’à présent, le seul sésame exigé pour entrer dans la caverne du porno se formulait très simplement puisqu’il suffisait de cocher la case « Je certifie avoir plus de dix-huit ans », sans qu’aucun contrôle ne soit appliqué. Désormais, les utilisateurs voulant se rendre sur un site X dont les critères d’accessibilité aux mineurs sont jugés laxistes ont des chances d’aboutir sur une page…du CSA !

Des contenus accessibles en un clic

Il faut dire qu’internet a déroulé le tapis rouge à la pornographie en la rendant accessible sur n’importe quel terminal numérique. Fini le temps des catalogues dérobés en cachette et mutualisés dans les cours de récré ou des salles de cinéma obscures, il suffit désormais d’un portable et d’une bonne connexion pour tomber sur des vidéos à caractère sexuel. Le porno est à portée de toutes les mains, y compris celle de nos bambins qui accèdent en quelques clics à du contenu parfois violent et souvent dégradant pour les femmes, à un âge où ils sont très influençables et prompts à imiter ce qu’ils voient.

Selon Thomas Rohmer, fondateur de l’Observatoire de la Parentalité et l’Education Numérique, interrogé par Vincent Bresson dans notre Chut n°6, Avec ou sans contact, on pourrait très bien envisager de « passer par [des systèmes] comme France Connect » pour valider l’âge des utilisateurs. Mais, si l’enjeu de la vérification de l’âge est bien le nerf de la guerre, la question de l’utilisation des données recueillies à cet effet est une patate chaude que les pouvoirs publics renvoient vers les plateformes.

Gouvernement ou sites : qui porte la culotte ?

La balle est donc dans le camp des sites pornographiques : à eux d’assurer la régulation de l’accès aux mineurs sous peine d’être bloqués. Certains avaient d’ailleurs anticipé la situation et commencé à développer des solutions : vérification par pièce d’identité, par carte bancaire, ou même, comme le révélait le site TuKif.com à Nextinpact, par analyse de selfie des utilisateurs.

Difficile toutefois de savoir si la nouvelle prérogative du CSA va avoir un réel impact sur la protection des mineurs. En effet, les visites sur les sites pornographiques se comptent en dizaine de milliards, les noms de domaine hébergeant des contenus pornographiques sont innombrables, et des stratégies de contournement des blocages (comme l’utilisation d’un VPN ou résolveur DNS public ne censurant pas) sont déjà mises en avant sur les réseaux sociaux.

N’oublions pas donc, chers parents, que le discours éducatif constitue sûrement le meilleur moyen de prémunir sa progéniture contre l’image dévoyée du sexe que véhicule le porno. Car, comme le confiait à Chut ! Anne de Labouret, autrice du livre Parlez du porno à vos enfants avant qu’Internet ne le fasse, « Si après le 11-Septembre, les parents ont trouvé les mots pour expliquer le terrorisme aux enfants, on peut faire la même chose avec le porno ! »