A l'écoute

A toutes celles et ceux qui s’inquiètent de l’usage des réseaux sociaux de leurs adolescentes et adolescents, cette chronique est pour vous ! 

En quête d’une nouvelle série documentaire à binge watcher ? Avec Julien Lec’hvien, journaliste de Chut! Magazine, nous vous conseillons de jeter plus qu’un coup d’oeil à la série Revenge, diffusée gratuitement sur France.tv slash, la chaine de télé entièrement numérique de France Télévisions. Il y est question du phénomène fisha, du verlan afficher, qui consiste à partager sur les réseaux sociaux des nudes de personnes sans leur consentement. Pour celles et ceux qui n’auraient jamais sauté le pas, un nude c’est une photo ou une vidéo plus ou moins dénudé·e, dans des attitudes plus ou moins suggestives, que l’on envoie à une personne, généralement son/sa partenaire ou quelqu’un qu’on pense être de confiance. Un choix qui ne regarde que nous mais qui a de graves conséquences lorsque le nude est utilisé comme moyen de pression ou d’humiliation.

L'impunité des cyber-harceleurs

Les comptes fisha, très présents sur Snapchat, Instagram ou Telegram, ont pullulé pendant le confinement, alors que de nombreux ados avaient pour seule fenêtre vers le monde extérieur, l’écran de leur smartphone. S’envoyer des photos dénudées, avec des positions suggestives étaient alors pour beaucoup une façon de mettre en scène une sexualité qui se découvre à distance. Pour d’autres, les fishers, ce fut aussi le moment de la vengeance mal placée, de cet égo écorché qui tombe dans l’ignominie en quelques clics criminels. Les arnaqueurs et cybercriminels professionnels ont eux trouvé une nouvelle façon de se faire du beurre sur le dos de victimes, à coup de demande d’argent, de marchandage ou de publications rémunérées des photos et/ou vidéos sur des plateformes ou sites dédiées. 

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Face à l’impunité des fishers, des militantes 2.0 s’organisent au sein du collectif Stop fisha pour dire stop au cybersexisme. Elles traquent les auteurs de cyberharcèlement et signalent leurs comptes aux plateformes dans l’espoir de les voir fermer. Mais le combat qu’elles mènent est titanesque : les têtes de l’hydre cybersexistes n’en finiront pas de repousser sur d’autres groupes ou d’autres réseaux tant que les règles de modération des plateformes n’auront pas pris le problème au sérieux.

Des conséquences dramatiques

Les conséquences de ce cyber-harcèlement sont réels et dramatiques. On pense ainsi à ces jeunes filles, victimes de compte fisha, qui ont mis fin à leurs jours en pleine adolescence. Dans Revenge, on découvre les témoignages forts de celles qui ont survécus au chantage au nude. On y comprend comment une photo volée peut vous valoir des « pute » ou « salope » durant toute sa scolarité, vous faire vivre dans la peur perpétuelle du regard des autres ou dans la crainte que votre image se retrouve sur un site porno ou entre les mains de vos parents.

Le gouvernement vient d’annoncer des mesures pour lutter contre le harcèlement : mise en place d’une application pour compléter le numéro vert de signalement déjà en place, le 3020, et renforcement du contrôle parental sur les écrans. En attendant les premiers fruits de ce tournant, on peut se sensibiliser à la question en regardant Revenge et en prenant exemple sur le collectif Stop fisha, qui vient de sortir le livre « Combattre le cybersexisme » aux éditions Leduc et qui a fait fermer, il y a peu un compte fisha Instagram qui ne comptait pas moins de 230 000 membres.